lundi 24 juillet 2017

Le loup, un problème ?


 Extrait d'un article à retrouver sur France-info

Quel est notre problème avec le loup ?
Depuis son retour en France, au début des années 1990, le loup concentre les passions. Pour comprendre le débat autour de sa présence, France-info a interrogé Geneviève Carbone, ethnozoologue et spécialiste du "canis lupus". 
Cela fait vingt ans que le loup vit en France et on assiste encore à des manifestations anti-loups. Pourquoi le débat autour de sa présence reste-t-il si sensible ?  
Je pense que le cœur du débat est là. C'est triste d'opposer les pros et les anti. On ne peut pas être dans la posture avec le loup et le pastoralisme. Être éleveur en montagne, c'est vraiment dur. Et c'était peut-être trop de dire que "le retour du loup c'est fabuleux, le monde revit"... Après, pourquoi les hommes politiques se sont emparés de ce problème alors que cinq ans avant, les éleveurs pouvaient crever sur leurs alpages ? Le loup a été instrumentalisé, d'un côté comme de l'autre. 
Depuis 1993, les éleveurs cohabitent avec le loup chaque année. C'est une réalité, qu'on la vive bien ou mal. Pourquoi ne se sert-on pas de ce qu'on a appris dans les premières années ? À l'époque, ce qu'on proposait, c'était de renforcer la présence de l'homme. Oui, il faut des chiens patous, des cabanes, du parcage, mais ce n'est pas ça qui règle la question. Il faut apporter une aide conséquente pour gérer le surcroît de fatigue et d'inquiétude lié au loup. Aller voir davantage les éleveurs, et pas seulement au moment des constats. Si l'on ne monte que pour les attaques, on n'aide pas à changer l'image du loup. 
Les tirs de prélèvements sont une mauvaise idée, selon vous ?
Mais on ne sait même pas ce qu'on prélève ! On tire à une soixantaine de mètres, alors je mets quiconque au défi de me dire s'il sait que c'est un mâle ou une femelle. On tire parce qu'on voit un loup ; quel est l'intérêt ? Cela n'a rien à voir avec un tir de défense qui se fait directement sur le troupeau, au moment de l'attaque. Le tir de prélèvement est totalement déconnecté d'une attaque. C'est une soupape de sécurité pour l'homme et ça n'a aucun effet positif sur le loup. L'animal ne peut pas le mettre en relation avec une prédation qui aurait eu lieu trois jours avant. Surtout que pour lui, il n'a rien fait de mal : il a juste mangé !
Mais que peuvent faire les éleveurs qui, aujourd'hui encore, subissent les attaques ?
Il faut admettre que le loup est là et qu'il faut modifier sa façon de travailler, même si c'est dur à entendre. Les éleveurs doivent changer d'état d'esprit et arrêter de se battre contre des moulins à vent. Mais pour ça, il faut les aider et pas seulement avec de beaux discours. Un berger ne peut pas assurer la présence, jour et nuit, sur une estive entière. Il faut mettre plus d'hommes !
Après, il n'y a pas de solution pérenne. Il existe des alpages où, dès qu'on met les patous, c'est réglé. Il y a des alpages où le terrain est tellement raide que si le loup arrive là, on sait qu'il va y avoir 30 ou 40 brebis avec les pattes cassées. Dans ce cas-là, ne pourrait-on pas négocier un changement d'alpage ? La solution ne peut pas se vivre comme un arrêté préfectoral, avec 40 loups à tuer pour cette année, mais comme une réflexion au niveau du territoire. Il faut penser avant d'agir. Le loup est un animal qui pose la complexité.